Prospection archéologique

Frise de personnages (hommes et femmes) à Sarıkaya, peinture datée du Chalcolithique (O. Henry, 2019)

Depuis le début des recherches menées sur le site de Labraunda, et particulièrement à la lumière des dernières découvertes, Labraunda apparaît comme un lieu clé de la compréhension de l’évolution des contextes historiques et culturels du sud-ouest de l’Anatolie.

Labraunda fut longtemps considéré comme un îlot de civilisation perdu au centre d’un ‘no man’s land’ de verdure, sur les pentes marquées de la chaîne de montagnes du Latmos. Les recherches très récentes, menées à la fois au cœur du complexe architectural, ainsi que dans son voisinage immédiat, ont montré qu’il n’en était rien. Mais encore, jusqu’à récemment, il était généralement admis que l’histoire du site et de l’occupation de cette zone avait débuté dans le courant de la période archaïque, autour du 6e s. av. J.-C. Là encore, de récentes découvertes ont permis de remettre en cause cette idée reçue en démontrant que l’occupation avait débuté probablement dès la fin du Chalcolithique ou le tout début de l’Âge du Bronze.

Le même ‘bond chronologique’ fut opéré il y a quelques années dans la partie nord du Latmos, grâce aux recherches dirigées par A. Peschlow. Ces dernières ont démontré l’existence de communautés organisées dès le milieu de la période chalcolithique autour du lac de Bafa, à une trentaine de kilomètres de Labraunda.
L’objectif des recherches que nous avons décidé d’entreprendre en 2017 est de fournir une carte archéologique des environs de Labraunda, à grande échelle. Il s’agit de procéder à un inventaire précis des vestiges situés dans un rayon de plusieurs kilomètres autour du site. La mise en place de cette carte archéologique permettra de préciser la chronologie et les conditions d’implantation de communautés dans cette région de la Carie. La zone qui nous intéresse (d’une superficie totale de 180 km2) est pour l’instant une véritable terra incognita puisque aucune recherche de ce type n’y a encore été menée.

Culture matérielle

Depuis 2013, nous menons une série d’analyses physico-chimiques afin de déterminer les caractéristiques de la production matérielle carienne.

Ces analyses concernent les productions céramiques, verres et mortiers. En outre, nous menons des analyses isotopes sur les marbres de Labraunda afin de mieux comprendre les circuits d’approvisionnement de ces marbres, car aucune carrière n’est présente à proximité du site.

Par ailleurs, nous procédons à une analyse typo-chronologique des céramiques de Labraunda. Ces dernières, produites dans les principaux centres cariens, parfois éloignés du sanctuaire, y étaient amenées jusqu’à Labraunda par les pèlerins.

Il s’agit donc d’une opportunité unique de pouvoir travailler sur un matériel complet provenant des quatre coins de la région et couvrant une période chronologique étendue. Il s’agit à la fois de mettre en place la base de données des céramiques, qui s’est enrichie de plusieurs milliers d’entrées depuis le début de cette étude, et de commencer à procéder à l’enfouissement de tessons dont l’étude ne peut plus rien apporter de nouveau.

Parallèlement, une étude a débuté sur la terre cuite architecturale. Cette analyse porte sur le matériel des bains orientaux ainsi que sur le bassin romain. Elle s’attache à analyser l’ensemble du matériel de construction (tuiles, briques, tubulures, etc.). Enfin, Nous avons également entamé une étude complète de l’ensemble du mobilier métallique de Labraunda. Cette dernière réunie un inventaire de plusieurs milliers de pièces.

documentation-culture-matérielle

Étude des fragments d’un diadème en bronze doré (R. Chevallier, 2018)

Modèle photogrammétrique d’une presse rupestre (F. Marchand-Beaulieu, 2017)

La photogrammétrie

Un dernier type de documentation que nous menons à Labraunda concerne l’enregistrement des vestiges architecturaux.

Outre les outils traditionnels de dessin technique, nous utilisons depuis la saison 2015 la photogrammétrie, au sol et aérienne.

La première s’attache à documenter des structures localisées, telles que la tour ‘byzantine’, dont le démontage s’est avéré nécessaire pour la fouille des Bains est ; la seconde, réalisée à l’aide d’un drone, vise à documenter des ensembles architecturaux, à en effectuer une série d’orthophotographies ainsi que des modèles tridimensionnels.

Ces techniques permettent en outre de documenter l’évolution du site sur le long terme, tout en offrant des relevés de très haute précision. Les travaux de relevés par photogrammétrie sont complétés par la couverture topographique au sol, effectuée grâce à une toute nouvelle station totale robotisée à visée laser.

En outre, nous utilisons, comme dans le cas de l’andrôn A de Labraunda, des relevés au scanner 3d. Ces derniers, effectués chaque année, permettent d’analyser l’évolution du bâti et de mieux cerner les besoins en termes de restauration.

Enfin, depuis 2013, nous avons lancé un vaste programme de prospection autour du site. Le but de ce programme est de déterminer le niveau et les caractéristiques de l’occupation du sol autour d’un sanctuaire réputé extrêmement riche dès le 4e s. av. J.-C.

Les résultats de ces travaux démontrent une dense activité agricole et artisanale, centrée autour de productions de vin et d’huile d’olive. Les premières traces de cette occupation remontent à l’époque archaïque et se poursuivent sans solution de continuité jusqu’aux périodes modernes.